MISS STEIN FAIT LA LEÇON
【斯泰因小姐的教诲02】
C'était merveilleux de descendre I'interminable escalier en pensant que j'avais eu de la chance dans mon travail. Je travaillais toujours jusqu'au moment ou j'avais entièrement achevé un passage et m'arrêtais quand j'avais trouvé la suite. Ainsi, j'étais sûr de pouvoir poursuivre le lendemain. Mais parfois, quand je commençais un nouveau récit et ne pouvais le mettre en train, je m'asseyais devant le feu et pressais la pelure d'une des petites oranges au-dessus de la flamme et contemplais son crépitement bleu. Ou bien je me levais et regardais les toits de Paris et pensais : « Ne t'en fais pas. Tu as toujours écrit jusqu'à présent, et tu continueras. Ce qu'il faut c'est écrire une seule phrase vraie. Ecris la phrase la plus vraie que tu connaisses. » Ainsi, finalement, j'écrivais une phrase vraie et continuais a partir de là. C'était facile parce qu'il y avait toujours quelque phrase vraie que j'avais lue ou entendue ou que je connaissais. Si je commençais a écrire avec art, ou comme quelqu'un qui annonce ou présente quelque chose, je constatais que je pouvais aussi bien déchirer cette fioriture ou cette arabesque et la jeter au panier et commencer par la première affirmation simple et vraie qui était venue sous ma plume. Là-haut, dans ma chambre, je décidai que j'écrirais une histoire sur chacun des sujets que je connaissais. Je tâchai de m'en tenir la pendant tout le temps que je passais à écrire et c'était une discipline sévère et utile.
C'est dans cette chambre que j'appris à ne pas penser à mon récit entre le moment où je cessais d'écrire et le moment où je me remettais au travail, le lendemain. Ainsi, mon subconscient était à I'oeuvre et en même temps je pouvais écouter les gens et tout voir, du moins je I'espérais ; je m'instruirais, de la sorte ; et je lirais aussi afin de ne pas penser à mon oeuvre au point de devenir incapable de I'écrire. En descendant I'escalier, quand j'avais bien travaillé, aidé par la chance autant que par ma discipline, je me sentais merveilleusement bien et j'étais libre de me promener n'importe où dans Paris.
Si je descendais, par des rues toujours differentes, vers le jardin du Luxembourg, I'après-midi, je pouvais marcher dans les allées, et ensuite entrer au musée du Luxembourg où se trouvaient des tableaux dont la plupart ont été transférés au Louvre ou au Jeu de Paume. J'y allais presque tous les jours pour les Cézannes et pour voir les Manets et les Monets et les autres Impressionnistes que j'avais decouverts pour la première fois a I'Institut artistique de Chicago. Les tableaux de Cézanne m'apprenaient qu'il ne me suffirait pas d'écrire des phrases simples et vraies pour que mes oeuvres acquièrent la dimension que je tentais de leur donner. J'apprenais beaucoup de choses en contemplant les Cézannes mais je ne savais pas m'exprimer assez bien pour I'expliquer à quelqu'un. En outre, c'était un secret. Mais s'il n'y avait pas assez de lumière au Luxembourg, je traversais le jardin et gagnais le studio où vivait Gertrude Stein, 27, rue de Fleurus.
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