莫泊桑小说橄榄园le Champs d'olivier -12(附文本)

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Je pensais bien qu’il ne dirait rien, par peur du scandale, vu qu’il est sénateur. Je me suis trompé. Quatre jours après j’étais pincé dans un restaurant de Paris. J’ai eu trois ans de prison. C’est pour ça que je n’ai pas pu venir vous trouver plus tôt.


Il but encore, et bredouillant de façon à prononcer à peine les mots :


— Maintenant… papa… papa curé !… Est-ce drôle d’avoir un curé pour papa !… Ah ! ah ! faut être gentil, bien gentil avec bibi, parce que bibi n’est pas ordinaire… et qu’il en a fait une bonne… pas vrai… une bonne… au vieux…


La même colère qui avait affolé jadis l’abbé Vilbois, devant la maîtresse trahissante, le soulevait à présent devant cet abominable homme.


Lui qui avait tant pardonné, au nom de Dieu, les secrets infâmes chuchotés dans le mystère des confessionnaux, il se sentait sans pitié, sans clémence en son propre nom, et il n’appelait plus maintenant à son aide ce Dieu secourable et miséricordieux, car il comprenait qu’aucune protection céleste ou terrestre ne peut sauver ici-bas ceux sur qui tombent de tels malheurs.


Toute l’ardeur de son cœur passionné et de son sang violent, éteinte par l’apostolat, se réveillait dans une révolte irrésistible contre ce misérable qui était son fils, contre cette ressemblance avec lui, et aussi avec la mère, la mère indigne qui l’avait conçu pareil à elle, et contre la fatalité qui rivait ce gueux à son pied paternel ainsi qu’un boulet de galérien.


Il voyait, il prévoyait tout avec une lucidité subite, réveillé par ce choc de ses vingt-cinq ans de pieux sommeil et de tranquillité.


Convaincu soudain, qu’il fallait parler fort pour être craint de ce malfaiteur et le terrifier du premier coup, il lui dit, les dents serrées par la fureur, et ne songeant plus à son ivresse :


— Maintenant que vous m’avez tout raconté, écoutez-moi. Vous partirez demain matin. Vous habiterez un pays que je vous indiquerai et que vous ne quitterez jamais sans mon ordre. Je vous y payerai une pension qui vous suffira pour vivre, mais petite, car je n’ai pas d’argent. Si vous désobéissez une seule fois, ce sera fini et vous aurez affaire à moi…


Bien qu’abruti par le vin, Philippe-Auguste comprit la menace, et le criminel qui était en lui surgit tout à coup. Il cracha ces mots, avec des hoquets :

— Ah ! papa, faut pas me la faire… T’es curé… je te tiens… et tu fileras doux, comme les autres !


L’abbé sursauta ; et ce fut, dans ses muscles de vieil hercule, un invincible besoin de saisir ce monstre, de le plier comme une baguette et de lui montrer qu’il faudrait céder.


Il lui cria, en secouant la table et en la lui jetant dans la poitrine :


— Ah ! prenez garde, prenez garde…. je n’ai peur de personne, moi…


L’ivrogne, perdant l’équilibre, oscillait sur sa chaise. Sentant qu’il allait tomber et qu’il était au pouvoir du prêtre, il allongea sa main, avec un regard d’assassin, vers un des couteaux qui traînaient sur la nappe. L’abbé Vilbois vit le geste, et il donna à la table une telle poussée que son fils culbuta sur le dos et s’étendit par terre. La lampe roula et s’éteignit. Pendant quelques secondes une fine sonnerie de verres heurtés chanta dans l’ombre ; puis ce fut une sorte de rampement de corps mou sur le pavé, puis plus rien.



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