Chapitre 9

Chapitre 9

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Chapitre 9

Il se sentit, une fois de plus, ligoté comme un vieux lion, et une grande tristesse l’envahit.
« Tant de travail pour aboutir à ça ! J’ai cinquante ans ; cinquante ans j’ai rempli ma vie, je me suis formé, j’ai lutté, j’ai changé le cours des événements et voilà maintenant ce qui m’occupe et me remplit, et passe le monde en importance…C’est ridicule. »

« Suis-je juste ou injuste ? Je l’ignore. Si je frappe, les pannes diminuent. Le responsable, ce n’est pas l’homme, c’est comme une puissance obscure que l’on ne touche jamais, si l’on ne touche pas tout le monde. Si j’étais très juste, un vol de nuit serait chaque fois une chance de mort. »

Rivière pensa : « Ce n’est pas lui que j’ai congédié ainsi, brutalement, c’est le mal dont il n’était pas responsable, peut-être, mais qui passait par lui. »
« Parce que les événements, on les commande, pensait Rivière, et ils obéissent, et on crée. Et les hommes sont de pauvres choses, et on les crée aussi. Ou bien on les écarte lorsque le mal passe par eux. »

« C’est curieux comme les événements prennent le dessus, comme se révèle une grande force obscure, la même qui soulève les forêts vierges, qui croît, qui force, qui sourd de partout autour des grandes oeuvres. » Rivière pensait à ces temples que de petites lianes font crouler.

Il pensa encore pour se rassurer : « Tous ces hommes, je les aime, mais ce n’est pas eux que je combats. C’est ce qui passe par eux… »

« Je ne sais pas si ce que j’ai fait est bon. Je ne sais pas l’exacte valeur de la vie humaine, ni de la justice, ni du chagrin. Je ne sais pas exactement ce que vaut la joie d’un homme. Ni une main qui tremble. Ni la pitié, ni la dou-ceur… »
Il rêva :
« La vie se contredit tant, on se débrouille comme on peut avec la vie… Mais durer, mais créer, échanger son corps périssable… »

« Il ne faut pas que ce courrier fasse inutilement demi-tour. Si je ne secoue pas mes hommes, la nuit toujours les inquiétera. »

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